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Cien años de Soledad
1992-1993
 
 
 
 
A propos de cette série  
 
13 portraits, technique sur papier, inspirés de Cent ans de solitude (Cien años de soledad) de Gabriel García Márquez.
 
 
 
Ce qu'en dit Micheline LO  
 
Le colombien García Márquez  a fait le récit inoubliable des cent années de Macondo, village ceinturé de sierra, de marécages et de forêt équatoriale. Le fondateur  y entretient l'âge d'or, tout en restant hanté d'ouverture sur le monde, lequel lui parviendra d'abord à travers les gitans, l'illusionnisme, les chimères alchimiques, voire la science. Et Buendía redécouvre à lui seul que la terre est "ronde comme une orange". 

Ses  nombreux descendants  s'accommodent d'un ou deux prénoms, dans l'embrouillaminis desquels chacun vit au superlatif. Le peintre n'a pu quitter ces héros envoûtants sans en poser vingt-quatre sur papier pour les voir, physiquement, avec leur destin sur le visage.
 
 
 
Ce qu'en dit Henri VAN LIER  
 
Enfin, parmi les paysages cérébraux, à la convexité absolue de Flaubert répondit la concavité absolue de Gabriel García Márquez. Cette fois, plus de « personnages » opérant des actions dans un paysage, ni dégageant de l'imaginaire dans du réel. Seulement l'immensité de l'Amazonie et de la Cordillère, faisant qu'action et pays, imaginaire et réel se confondent dans le mammagallo (féminin-masculin, utérus-clitoris) colombien. Les noms propres ne désignent plus alors des hommes et des femmes, mais des corps humains composés de morceaux d'arbres, de rochers, d'animaux, de courants de fleuve, de gestes bruts, de délires. « Aureliano Segundo había satisfecho por fin su sueño de disfrazarse de tigre y andaba feliz entre la muchedumbre desaforada . Le disfrazare de Garcia Marquez fait écho à l'esperpanto de Carlo Fuentes.

Alors, chaque parole devint un oracle, en sorte que la suite des vingt-six portraits s'ouvrent et se ferment sur Melquíades, le mage qui détient les manuscrits du peuple, leur Poppol Vuh, mais se refuse à les traduire, parce que personne ne doit en saisir le sens avant que cent années du non-temps du Continente Eterno, dont son ami colombien Heriberto López Pérez avait écrit les Sueños Epifanias y Porros , se soient accomplies : « pero se negó a traducir los manuscritos. Nadie debe conocer su sentido mientras no hayan cumplido cien años explicó. » A moins que quelque circonstance particulière déchire le voile, comme pour Aureliano Babilonia : « No porque io hubiera paralizado el estupor, sino porque en aquel instante prodigioso se le revelaron las claves definitivas de Melquíades. »

Ainsi, Micheline Lo déchiffra vingt-six figures de terre chaude et humide, de chair humaine, de peau animale, d'arborescence végétale, de textes cryptiques, bourrant la feuille où ils se dessinaient, chaque fois décentrés quelque peu latéralement vers la gauche comme pour signaler que ces visages immenses devaient être à la fois rencontrés et lus de gauche à droite. Figures et textes narratifs. Selon les coalescences amazoniennes, les dessins étaient posés à même un carton gaufré d'un brun d'écorce. Bordant ces compacités, les encadrements furent de bois dur et carré, de patines variées, selon le tissage de la forêt tropicale et des traits humains.

Ces portraits sont les derniers qu'ait peints Micheline Lo en tant qu'exploratrice des paysages cérébraux. Ils ouvrent une aire nouvelle des visages. Picasso fit encore un autoportrait en 1972 ; il y foudroie par l'explosion de son regard ; mais par cela même il ne sort pas de la vision traditionnelle occidentale d'un Moi, d'un « quelqu'un », d'un « certain » ; il conclut un monde. Les portraits de Micheline Lo en inaugurent un tout autre, celui des cerveaux biochimiques, inépuisablement pluriels, exogènes autant qu'endogènes.

Ainsi fut-elle amenée à explorer successivement :
  • (1) Les portraits extatiques de saint Antoine
  • (2) Les portraits béatifiques des élus du Paradiso
  • (3) Les portraits essentialisants (mallarméens) des Tombeaux
  • (4) Les portraits épouvantails (esperpentos) de Terra Nostra
  • (5) Les portraits infernaux de l'Enfer de Genet
  • (6) Les portraits archéologiques (schliemanniens) de Salammbô
  • (7) Les portraits mutationnels de Cien años de soledad, où les organismes sont des relais d'Evolution et d'Univers.
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