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Paradis de Dante
Série 2, 1986
 
 
 
 
A propos de cette série  
 
33 encres de Chine sur papier, inspirées de La divine comédie de Dante.

Après avoir entrepris les couleurs du Paradis de Dante sans les visages [série 1], Micheline LO se risque aux visages sans les couleurs [série 2].
 
 
 
Ce qu'en dit Micheline LO  
 
Même commentaire global que pour la série 1.

Bien sûr, le Paradis de Dante devait me tenter. L'enfer est immanent dans ses supplices; le Purgatoire est immanent dans sa modération; le Paradis par contre est transcendant.

Dante ne cesse de nous y emporter dans le rapt mystique. Cet au-delà des sens et de la raison reste cependant perçu, la transcendance se fait sensorielle grâce à l'évocation de la lumière sans cesse croissante, alors qu'elle est dès le début insoutenable. Grâce aussi à des vélocités extrêmes; Dante n'a pas quité un ciel qu'il se retrouve dans le suivant, envahi de la lumière accrue. De surcroît, cette extase globale est bousculée de militantisme théologique et de colères politiques documentées.

En littérature, il était possible, l'écrit l'a prouvé, de suggérer cela par les mots, capables de porter la contradiction. La lumière, les couleurs et les traits de la peinture ne le peuvent pas, même avec Dante comme guide. C'est ainsi que j'ai procédé en cinq étapes [cinq séries], vaincue d'avance, mais sans doute séduite par l'impossibilité du projet.

Défi visuel par excellence que la lumière au cours des trente-trois chants du Paradis. Dès le début elle est d'un éclat insoutenable, pourtant elle monte de chant en chant. Ce que les astuces du langage pouvaient apporter au poète faisait défaut au peintre. L'entreprise a été vécue comme une sorte d'effraction du crâne de l'auteur. Epouser son mystère sans le comprendre. Et voir. Même aventure pour la vitesse, qui chez Dante croît constamment. Une première série de 33 chants a entrepris la couleur sur papier et sans les visages, évoqués seulement par les initiales des prénoms : D pour Dante, B pour Béatrice.

La deuxième série s'est risquée aux visages, mais à l'encre de Chine. La troisième a réuni sur toile visages et couleur.
 
 
 
Ce qu'en dit Henri VAN LIER  
 
Le peintre a cependant sur le poète l'avantage d'être l'artiste le plus pauvre. En effet, il ne dispose à chaque moment que de la pointe d'un pinceau, d'une goutte de couleur, et d'un point d'une toile ; et c'est sans doute pour cela qu'il peut croiser au plus aigu le temps et l'éternité. Elle prit son pinceau le plus pointu, la plume ; la couleur la plus pauvre, le noir ; et sur la surface la plus vide, le blanc. Assez pour risquer l'expérience visionnaire béatifique.

Et assurément c'est bien devant cette seconde suite des Paradis, en noir et blanc, plus que devant les première et troisième suites, en couleur, que Marcello Verdenelli, l'historien de la La theatralità delle scrittura, trouva le titre décisif de son introduction à l'exposition de Micheline Lo à Cingoli (Marches) : La luce senza centro. Il raconte les pas de sa trouvaille. Là, « il Paradiso dantesco mi si rivelava in tutta la sua dirompente, incontenibile, forza segnica. Un segno che procedeva per improvvise quanto suggestive accelerazioni et riprese. E non potevo naturalmente che riportare tutta quelle vibrante tensione segnica a un'idea di perfezione che si accompagna comunque al Paradiso. Un'idea di perfezione che usciva, che debordava da qualsiasi coordinata spazio-temporale, così come pure da qualsiasi riferimento geometrico. L'unica figura che resisteva in questo generale annulamento era quella del ‘cerchio'. Un ‘cerchio' che, nelle sue diverse velocità concentriche, lasciava intravedere pure l'idea, la forma della Trinità. E une luce vorticosa, intensa, avvolgente, musicale, a riempire quel ‘cerchio', quelle spazio che non era più spazio. »

Marcello Verdenelli vit bien aussi comment un peintre des béatitudes du paysage cérébral devait trouver son seul recours, sa « ragione poetica » (nous dirions : son sujet pictural) dans le « salto » et le « scarto », le saut et l'écart, déjà recommandé par Dante : « E cosi, figurando il paradiso, / convien saltar lo sacrato poema, / come qui trova suo cammin riciso. » (XXIII, 61-63). Commentant sa Suite espagnole, Micheline Lo avait déjà exalté ce saut du noir et du blanc : « ce rapport intense, immédiat, sans devenir, tous les deux indistinctement occupent avec autant de capacité les postes du vide et de l'éclat ».