Suite Espagnole, 1985 |
A propos de cette série
11 peintures (grands formats), inspirées de l'Espagne : celle de don Quichotte et Sancho Panza, celle du Greco, Velasquez, Goya, Dali, ou celle encore du flamenco, de la corrida, et de l'Escurial.
Ce qu'en dit Micheline LO
Les fantasmes collectifs s'alimentent à des paradoxes vivants, à des unités impossibles. C'est une des raisons, sans doute, qui me font
rôder autour des grandes créations culturelles, comme l'Espagne avec son bord à bord de la vie et de la mort.
L'Espagne croise dans une succession de chocs secs la raison et le délire. Elle tient vie et mort ensemble, face à face, face à faciès. Cette cohabitation engendre un mélange de magnificence et de dérision. Ce qu'en dit Henri VAN LIER
Nulle part autant que dans le désert de sable et le désert de pierre, les connexions et clivages neuroniques ne se meuvent de façon plus native : c'est là que commencent Muhammad, Jésus de Nazareth, saint Antoine, saint John Perse. Au moment où, venant de Las Vegas, son automobile était entrée dans Death Valley en plein midi, prise d'un malaise, elle dit à son compagnon : « Si je meurs maintenant, ne regrette rien. J'ai vu ce que je voulais voir. »
Et c'est sans doute cela, le « nada », le rien, le sol sec sonnant sous le pied de la Meseta qui l'attacha d'abord à l'Espagne du zapateado, puis à l'Afrique du nord. Un bord à bord de l'extase et du blasphème. Dali, peintre comédien et martyr, cherchait ce qu'il appelait la « géodésiaque », géodésique et aphrodisiaque à la fois. Elle se plaisait à la distinction de l'espagnol entre ser (essere) et estar (stare), l'être comme substance et l'être comme pose. Mais l'Espagne ce fut également deux peintres fraternels, Vélasquez et le Greco. Vélasquez, dont la touche picturale, comme la sienne, était écriture, pressentant celle de la bande dessinée. Les Ménines selon Hergé déclarèrent, aux grandeurs de l'original, cette parenté. Proche aussi le Greco, qui finit par réduire toutes choses aux sept catastrophes élémentaires de la topologie différentielle : le pli, la fronce, la queue d'aronde, l'aile de papillon, les trois ombilics : hyperbolique, elliptique, parabolique. Chez elle aussi, ce sont ces sept catastrophes qui dominent ses quatre versions (du matin, du midi, du soir et de la nuit) du Don Quichotte s'apprête à affronter trente moulins à vent. En réalité, quatre moments d'un don « Quichotte devant Tolède », sur ce sentier descendant vers la rivière, d'où elle-même, en se retournant, avait pu se sentir écrasée par la masse sans distance de la ville, dont la cathédrale venait justement de lui montrer l'Enterrement du Comte d'Orgaz, où toute distance s'abolit entre le regardeur et le regardé. Ces quatre foudroiements de don Quichotte définissent bien son réalisme. Elle fut catégorique sur ce point : ne rien imaginer, « je n'ai aucune imagination », seulement relever des indices, et pour cela regarder une toile : « La toile est déjà une physionomie. Quand elle disparaît, complètement recouverte, quelque chose a été détruit. Ce quelque chose ce sont les formes étrangères qui apparaissaient sur la toile vierge, comme dans les écorces, les taches (Vinci) , ou les empreintes (Max Ernst). C'est l'expérience visionnaire. ». Laquelle comporte trois rapports, que Flaubert aurait pu prendre à son actif :
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