Son œuvre |
« Je peins le paysage cérébral »
« Je n’ai aucune imagination. Je ne relève que des indices. » « Il faut que partout ça avance et recule en même temps. » « Je peins des ensembles, des suites. » Micheline LO Peindre le paysage cérébral
En ouverture du catalogue de son exposition DIX ANS DE PEINTURE (1992), Micheline LO écrivait :
Si donc un paysage m'excite, c'est le paysage cérébral. (les rares dessins directs de montagnes, faits quand je suis dans la Drôme, sont marginaux). Et, comme tout cerveau, biologique ou artificiel, pondère, associe, renforce ou efface des indices et des écarts, Micheline LO inlassablement peindra : des indices, des écarts, des contrastes, des singularités, des clivages, des déclenchements, des effervescences, ... Peindre des écarts
Thématiquement, les écarts foisonnent dans l'œuvre de Micheline LO :
Picturalement, ce sont aussi des indices, des écarts et des singularités qu'elle explore, et en particulier les rapports avant / arrière, à propos desquels elle disait « ils laissent place à des entre-deux où naissent un mouvement basal, une pulsation, une vibration ». D'ailleurs, s'il y a une phrase que Micheline LO n'a cessé de répéter, c'est peut-être « il faut que de partout ça avance et recule en même temps », à quoi elle ajoutait parfois « comme les vagues d'une mer dressée sur un mur ». Ce mouvement avant / arrière introduit une sorte de troisième dimension, où des éléments perçus et des éléments sous-jacents cohabitent, se relayent et circulent . Relever des indices, des singularités, des éléments perçus
Chaque indice, trace, empreinte se distingue des autres par ses singularités.
Un indice n'est pas modelé par l'esprit. Il ne sort pas d'une imagination. Ce n'est pas une forme, ni achevée, ni conceptualisée.
C’est plutôt une formation qui se perçoit en génération, en mutation, ou en disparition.
Que Micheline LO ait dit ne voir que des indices et qu'elle n'ait peint que des singularités mérite d'être souligné. Jamais ses toiles ne sont des « touts » composés de « parties ». Il ne s'agit pas de se positionner « devant » l'une ou l'autre de ses œuvres, et de laisser son regard contempler globalement ou partiellement ses formes ou ses éléments plastiques. Ici, les éléments perçus invitent le regard, et le cerveau à circuler « parmi » eux. Cette fois, le spectateur n’est pas « devant » des cellules et des compositions plastiques, mais il est « parmi » des éléments perçus. Peindre la perception basale
Elle-même le dit, elle peint sans imagination. Elle n’imagine ni formes, ni lumières, ni compositions. Elle peint des indices, des formations,
des préformations, des couleurs, des effervescences. Ces dernières sont perceptives, mentales, mutationnelles, voire de disparition.
Les peintures classiques, impressionnistes et modernes mettaient essentiellement en jeu des formes, des compositions, des lumières. Singulièrement, chez LO, les cellules plastiques sont remplacées par des éléments perçus, les formes remplacées par des formations, la contemplation « devant » par l’effervescence « parmi », les généralités analogisantes par les singularités digitalisantes, et les liaisons entre éléments par des relais de déclenchements. A sa manière, Micheline LO nous propose une peinture de la perception basale. Elle nous parle d'ailleurs de « pulsations » basales. Puissance d'évocation de la littérature
Plus que la musique, l'architecture, ou la peinture, la littérature est d'abord évocatrice.
Les mots déclenchent des tonalités, des perceptions, des ambiances, des odeurs, des chocs... qui,
transitoirement, apparaissent, se transforment, se superposent, se mélangent à l'intérieur du cerveau du lecteur.
Par leur puissance évocatrice, les textes littéraires ont constitué une source d'inspiration majeure pour Micheline LO, et singulièrement : Inspiration littéraire / Inspiration textuelle
Si la LITTERATURE a beaucoup inspiré LO, ce sont peut-être les TEXTES eux-mêmes, et plus fondamentalemet les ECRITURES qui produisent ces textes qui l'ont inspirée.
Notons qu'aujourd'hui, les informaticiens utilisent des réseaux de neurones pour transformer des textes (prompts) en images. Mais, dans ce cas, ce ne sont pas des images au sens premier de "analogue à", ou "à l'image de". Il s'agit de textes traduits en pixels, perceptibles visuellement et cérébralement, mais qui ne sont l'IMAGE de rien du tout. Elle ne sont "ancrables" dans aucun réel. Comparaison n'est pas raison. Mais ce sont des transformations similaires que Micheline LO mettait en oeuvre. Lorsqu'elle s'inspirait de textes, elle les transformait en perceptions, pas en images. Signes perçus / Signes voulus
Si l'on distingue les signes "perçus" (les indices), et les signes voulus (les index), ce sont bien les signes perçus que Micheline LO cherchait à relever et à faire voir.
Ne disait-elle pas "Je ne relève que des indices".
Certes, un texte produit par un humain, est toujours "voulu". Surtout lorsqu'il s'agit d'un texte technique, dont chaque mot signifie, spécifie, désigne quelque chose, sans ambiguïté aucune. Mais les littérateurs, les poètes surtout, cherchent, d'instant en instant, à multiplier, augmenter, bousculer le sens, ou les sens de leurs textes. Et, leurs textes s'effacent alors derrière les rythmes, les évocations, les ambiances, les perceptions qu'ils éveillent. C'est bien cela que Micheline LO relevait et peignait: des perceptions, pas des intentions. Sujet d'oeuvre de Micheline LO
La plupart des artistes explorent des formes, des couleurs, des empreintes
Entremêler les couleurs
Partout, Micheline LO entremêle les couleurs.
Les unes font avancer les nappes de couleur, les autres les font reculer.
Ces multitudes de nappes s’animent de mouvements où « tout avance et recule en même temps ».
Chaque parcelle de tableau, chaque coup de pinceau est un entremêlement, une superposition, un filigrane, un effleurement, un affleurement. A ce jeu, les noirs (et les blancs) sont particulièrement possibilisateurs. Lorsqu’ils sont tracés, écrits, affirmés, ils avancent « devant » la toile. Inversément, ils peuvent reculer, s’effacer, s’enfoncer « derrière » elle, et faire avancer d'autres couleurs. Ces entremêlements animent des paysages cérébraux jamais achevés, toujours en mouvement, toujours en formation. Faire décoller de la toile
A force de se singulariser, chaque élément décolle des éléments qui l'entourent, et décolle aussi de la toile.
Bien sûr, chaque spectateur voit d'abord ce qu'il recherche. S'il cherche des "formes", il verra des formes inachevées, inattendues, en basculement. Souvent, il faut un moment avant d'apercevoir à quel point chaque élement peint est toujours ou presque flottant, détaché de tous les autres, en suspension dans l'espace. Explorer le paysage cérébral
Un PAYSAGE n’a pas de bords
Explorer les formations / transformations
Un PAYSAGE est en perpétuelle formation / transformation
Une peinture écrivante
Un PAYSAGE c'est comme un texte
Peindre des ensembles / suites / séries
Dans le monde vivant les suites sont des ensembles produits «une-fois-jamais-plus».
Territoires cérébraux d'auteurs (Flaubert), de peuples (Suite espagnole), de religions (Paradis de Dante), de communautés hors-la-loi (Enfer de Gente). Territoires cérébraux de son propre cerveau pluriel (1992 à 2001): Peinture de "croissances", plus que de textures ou de structures
Si l'on admet que les productions hominiennes sont de trois types:
Peintre cosmogonique
Enfin, Micheline LO était un « peintre cosmogonique », au sens où son oeuvre « résonnait » et « raisonnait »
avec les paradigmes scientifiques de son époque, ceux de la fin du vingtième siècle.
Autres textes explicatifs
Henri VAN LIER, philosophe et anthropogéniste, auteur de Les arts de l'espace, a consacré un texte (84 pages, 7 chapitres)
à Micheline LO, peintre cosmogonique.
Voir le texte (ici)
Marc VAN LIER, responsable éditorial du site michelinelo.com propose un texte explicatif de "La notion de paysage cérébral" (9 pages) Voir le texte (ici) |