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Son œuvre

« Je peins le paysage cérébral »

« Je n’ai aucune imagination. Je ne relève que des indices. »

« Il faut que partout ça avance et recule en même temps. »

« Je peins des ensembles, des suites. »
 
 
Micheline LO  
 
 
 
Peindre le paysage cérébral  
 
 
En ouverture du catalogue de son exposition DIX ANS DE PEINTURE (1992), Micheline LO écrivait : Mon travail [...] ne peut se satisfaire de la rencontre avec le motif, il lui faut l'interférence d'un tiers [...]. C'est pourquoi, si j'admire profondément le désert, je préfère le peindre à travers le regard de Flaubert, qui emprunte le regard de Saint Antoine, lequel emprunte le regard du délire, lequel distend absolument l'unité du désert, puisqu'il n'y voit que des mirages.

Si donc un paysage m'excite, c'est le paysage cérébral. (les rares dessins directs de montagnes, faits quand je suis dans la Drôme, sont marginaux).
Voilà le fil conducteur de son travail d'artiste : peindre le paysage cérébral des autres puis, à partir de 1996, peindre son propre paysage cérébral, avec ses essais, erreurs, rencontres, écarts improbables... toujours en suspens.

Et, comme tout cerveau, biologique ou artificiel, pondère, associe, renforce ou efface des indices et des écarts, Micheline LO inlassablement peindra : des indices, des écarts, des contrastes, des singularités, des clivages, des déclenchements, des effervescences, ...
 
 
 
Peindre des écarts  
 
 
Thématiquement, les écarts foisonnent dans l'œuvre de Micheline LO :
  • naturel / surnaturel * raison / délire * vie / mort
  • magnificence / dérision * vide / éclat * clair / obscur
  • accélération / reprise * trait / couleur
  • volumes négatifs / positifs * évanescence / apparition
  • figuratif / non-figuratif * analogique / digital
  • paix / hostilité * nostalgie / modernité
  • apparition / disparition * fond / forme
En 1992, elle écrira « Il y faut la présence d'un écart interne, qu'il se soit engouffré dans la toile, et qu'elle le tienne entre ses quatre bords ».

Picturalement, ce sont aussi des indices, des écarts et des singularités qu'elle explore, et en particulier les rapports avant / arrière, à propos desquels elle disait « ils laissent place à des entre-deux où naissent un mouvement basal, une pulsation, une vibration ».

D'ailleurs, s'il y a une phrase que Micheline LO n'a cessé de répéter, c'est peut-être « il faut que de partout ça avance et recule en même temps », à quoi elle ajoutait parfois « comme les vagues d'une mer dressée sur un mur ».

Ce mouvement avant / arrière introduit une sorte de troisième dimension, où des éléments perçus et des éléments sous-jacents cohabitent, se relayent et circulent .
 
 
 
Relever des indices, des singularités, des éléments perçus  
 
 
Chaque indice, trace, empreinte se distingue des autres par ses singularités. Un indice n'est pas modelé par l'esprit. Il ne sort pas d'une imagination. Ce n'est pas une forme, ni achevée, ni conceptualisée. C’est plutôt une formation qui se perçoit en génération, en mutation, ou en disparition.

Que Micheline LO ait dit ne voir que des indices et qu'elle n'ait peint que des singularités mérite d'être souligné. Jamais ses toiles ne sont des « touts » composés de « parties ». Il ne s'agit pas de se positionner « devant » l'une ou l'autre de ses œuvres, et de laisser son regard contempler globalement ou partiellement ses formes ou ses éléments plastiques. Ici, les éléments perçus invitent le regard, et le cerveau à circuler « parmi » eux.

Cette fois, le spectateur n’est pas « devant » des cellules et des compositions plastiques, mais il est « parmi » des éléments perçus.
 
 
 
Peindre la perception basale  
 
 
Elle-même le dit, elle peint sans imagination. Elle n’imagine ni formes, ni lumières, ni compositions. Elle peint des indices, des formations, des préformations, des couleurs, des effervescences. Ces dernières sont perceptives, mentales, mutationnelles, voire de disparition.

Les peintures classiques, impressionnistes et modernes mettaient essentiellement en jeu des formes, des compositions, des lumières. Singulièrement, chez LO, les cellules plastiques sont remplacées par des éléments perçus, les formes remplacées par des formations, la contemplation « devant » par l’effervescence « parmi », les généralités analogisantes par les singularités digitalisantes, et les liaisons entre éléments par des relais de déclenchements.

A sa manière, Micheline LO nous propose une peinture de la perception basale. Elle nous parle d'ailleurs de « pulsations » basales.
 
 
 
Puissance d'évocation de la littérature  
 
 
Plus que la musique, l'architecture, ou la peinture, la littérature est d'abord évocatrice. Les mots déclenchent des tonalités, des perceptions, des ambiances, des odeurs, des chocs... qui, transitoirement, apparaissent, se transforment, se superposent, se mélangent à l'intérieur du cerveau du lecteur.

Par leur puissance évocatrice, les textes littéraires ont constitué une source d'inspiration majeure pour Micheline LO, et singulièrement :
  • La tentation de saint Antoine, de Flaubert
  • Don Quichotte (El ingenioso hidalgo don Quixote de la Mancha), de Miguel de Cervantes (Espagne)
  • La divine comédie, de Dante (Italie)
  • Terra Nostra, de Carlos Fuentes (Mexique)
  • Miracle de la Rose, de Jean Genet (France)
  • Cent ans de solitude (Cien años de soledad), Gabriel García Márquez (Colombie)
  • Salammbô, Flaubert (France)
  • Vents, Saint-John Perse (France)
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    Inspiration littéraire / Inspiration textuelle  
     
     
    Si la LITTERATURE a beaucoup inspiré LO, ce sont peut-être les TEXTES eux-mêmes, et plus fondamentalemet les ECRITURES qui produisent ces textes qui l'ont inspirée.
  • Dans la série L'enfer de Jean Genet, Sous-série Descente aux enfers, La mort d'Harcamone (1991), elle dessine du texte
  • Dans la série Vents (1995), de Saint-John Perse, elle peint du texte
  • Dans la série Les chemins des écritures (1996-1997), elle peint des éléments d'écriture
  • Dans la série Les esprit du vins (2001), elle peint des mots
  • Les littérateurs écrivent des textes, d'où naissent des perceptions. Mais ce sont les textes qui éveillent des paysages cérébraux, pas les littérateurs.

    Notons qu'aujourd'hui, les informaticiens utilisent des réseaux de neurones pour transformer des textes (prompts) en images. Mais, dans ce cas, ce ne sont pas des images au sens premier de "analogue à", ou "à l'image de". Il s'agit de textes traduits en pixels, perceptibles visuellement et cérébralement, mais qui ne sont l'IMAGE de rien du tout. Elle ne sont "ancrables" dans aucun réel.

    Comparaison n'est pas raison. Mais ce sont des transformations similaires que Micheline LO mettait en oeuvre. Lorsqu'elle s'inspirait de textes, elle les transformait en perceptions, pas en images.
     
     
     
    Signes perçus / Signes voulus  
     
     
    Si l'on distingue les signes "perçus" (les indices), et les signes voulus (les index), ce sont bien les signes perçus que Micheline LO cherchait à relever et à faire voir. Ne disait-elle pas "Je ne relève que des indices".

    Certes, un texte produit par un humain, est toujours "voulu". Surtout lorsqu'il s'agit d'un texte technique, dont chaque mot signifie, spécifie, désigne quelque chose, sans ambiguïté aucune.

    Mais les littérateurs, les poètes surtout, cherchent, d'instant en instant, à multiplier, augmenter, bousculer le sens, ou les sens de leurs textes. Et, leurs textes s'effacent alors derrière les rythmes, les évocations, les ambiances, les perceptions qu'ils éveillent.

    C'est bien cela que Micheline LO relevait et peignait: des perceptions, pas des intentions.
     
     
     
    Sujet d'oeuvre de Micheline LO  
     
     
    La plupart des artistes explorent des formes, des couleurs, des empreintes
  • Les peintres classiques composent, organisent des FORMES.
  • Les impressionnistes décomposent / recomposent la LUMIERE.
  • Les modernes éclatent, aplatissent, déforment, recomposent, réinventent, collent, assemblent et font glisser des FORMES réalistes, abstraites, surréalistes, hyperréalistes, etc.
  • Souvent, les peintres contemporains travaillent des EMPREINTES et des codes photographiques.
  • Principalement, Micheline LO explore des INDICES, des ECARTS et des FORMATIONS
  • Un paysage naturel ou cérébral est fait d'indices, d’écarts et de formations
  • Un cerveau biologique, ou artificiel, ne traite et pondère que des écarts et des formations
  • Après coup, des formes, éventuellement figuratives, en suspens, transitoires, jamais achevées, peuvent naître de ces formations, mutations, transformations.
     
     
     
    Entremêler les couleurs  
     
     
    Partout, Micheline LO entremêle les couleurs. Les unes font avancer les nappes de couleur, les autres les font reculer. Ces multitudes de nappes s’animent de mouvements où « tout avance et recule en même temps ».

    Chaque parcelle de tableau, chaque coup de pinceau est un entremêlement, une superposition, un filigrane, un effleurement, un affleurement.

    A ce jeu, les noirs (et les blancs) sont particulièrement possibilisateurs. Lorsqu’ils sont tracés, écrits, affirmés, ils avancent « devant » la toile. Inversément, ils peuvent reculer, s’effacer, s’enfoncer « derrière » elle, et faire avancer d'autres couleurs.

    Ces entremêlements animent des paysages cérébraux jamais achevés, toujours en mouvement, toujours en formation.
     
     
     
    Faire décoller de la toile  
     
     
    A force de se singulariser, chaque élément décolle des éléments qui l'entourent, et décolle aussi de la toile.

    Bien sûr, chaque spectateur verra d'abord ce qu'il recherche. S'il cherche des "formes", il y verra des formes inachevées, inattednues, en basculement. Ainsi, lui faudra-t-il parfois un moment avant d'apercevoir à quel point chaque élement peint est flottant, détaché de tous les autres, en suspension dans l'espace.

     
     
     
    Explorer le paysage cérébral  
     
     
    Un PAYSAGE n’a pas de bords
  • Les horizons se déplacent avec le regard, avec les mouvements de la tête et du corps, avec le travail du cerveau.
  • Longtemps Micheline LO a peint ses toiles sans cadre, étendues au sol, ou épinglée au mur. Singulièrement, les bords de ses tableaux ne sont pas des lignes d’arrêt, mais des lignes de reflux, des lignes de mutations, des lignes de disparition.
  • Un PAYSAGE est insaisissable
  • Siège de variations incessantes, on peut le regarder indéfiniment. Lorsque l’œil s’arrête ou se fixe sur un endroit, il ne voit plus le paysage.
  • Pour Micheline LO l’œil ne pouvait s’arrêter sur rien.
  • Un PAYSAGE est fait d'écarts ou interfaces
  • Ecarts ou interfaces ombre/lumière, stable/mouvant, lointain/proche, animal/végétal, aérien/minéral, ciel/terre, etc.
  • Micheline LO peignait d’abord des écarts. Les traits, couleurs, taches, éclats de ses toiles et dessins étaient au service des écarts et des interfaces.
  • Un PAYSAGE est cérébral
  • Un paysage perçu n’existe que dans un cerveau. Un chien, un chat, un aigle, une abeille perçoivent des paysages différents. Chaque cerveau cartographie différemment. Chaque paysage perçu est d’abord cérébral.
  • Micheline LO a peint des paysages cérébraux. D'abord ceux que lui inspiraient Dante, Flaubert, Genet, Saint-John Perse. Ceux d'Espagne et d'Amérinde. Puis, un jour, le sien.
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    Explorer les formations / transformations  
     
     
    Un PAYSAGE est en perpétuelle formation / transformation
  • Un paysage naturel est fait de croissances minérales / végétales, vents / mouvances, lumières / reflets / ombres, érosions, jamais achevés.
  • Un paysage cérébral, lui, perçoit des formations / reformations, séquencements / reséquencements, effacements, remémorations, mutations, disparitions, jamais achevés.
  • A force de peindre des paysages cérébraux, Micheline LO a fini par peindre essentiellement des formations / transformations / interfaces toujours en mouvement, jamais figées, ni composées de formes achevées: celles que lui évoquaient les littératures, celles des animaux en interface avec leur milieu, celles des textes et écritures proprement dits.
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    Une peinture écrivante  
     
     
    Un PAYSAGE c'est comme un texte
  • Micheline LO travaillait ses toiles comme des paysages / textes. En s’approchant trop on ne voit plus que des éléments, des mots, ou des lettres. Pour voir le paysage ou le texte, il faut le regarder à une certaine distance.
  • Sa peinture était écrivante comme dans la série QUETZALCOATL, et parfois totalement écrivante comme dans les séries VENTS, LES CHEMINS DES ECRITURES, LES ESPRITS DU VIN.
  • Avant de peindre, elle avait écrit FLEXTE. Un texte aussi est une formation cérébrale.
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    Peindre des ensembles / suites / séries  
     
     
    Dans le monde vivant les suites sont des ensembles produits «une-fois-jamais-plus».
  • A ses débuts Micheline LO écrivait « Il me semble que l'unité de mes toiles se fait hors d'elles-mêmes, en suspend quelque part dans la fantasmatique des mythes. D'où peut-être je peins des ensembles, des suites ».
  • D'ailleurs elle parlait plutôt de « suites de tableaux », comme les musiciens parlent de « suites musicales ». Et c'est seulement, après coup, en numérotant ses tableaux qu'elle parlait plutôt de « séries »
  • Lorsqu'une série était terminée, elle ne pouvait la « rouvrir », même à la demande d'un client. C'était « une-fois-jamais-plus ».
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    Peinture de "croissances", plus que de textures ou de structures  
     
     
    Si l'on admet que les productions hominiennes sont de trois types:
  • Des TEXTURES, c'est à dire des structures avec des irrégularités (Tissus, Pierres ou bois taillés, Cuirs, etc.), comme dans l'art primitif par exemple.
  • Des STRUCTURES, c'est à dire des constructions, répondant à des lois, quasi mathématisables, comme dans l'art classique.
  • Des CROISSANCES, c'est à dire des formations artificielles (polymères, réseaux informatiques), qui se propagent (croissent) à la manière des formations vivantes (buissons, acides aminés).
  • alors on observe que la peinture de Micheline LO ne repose guère sur des textures (hormis le grain du papier ou celui de la toile souvent préservés), ni sur des structures visibles ou cachées, mais qu'elle explore des croissances (paysages cérébraux et formations vivantes).
     
     
     
    Peintre cosmogonique  
     
     
    Enfin, Micheline LO était un « peintre cosmogonique », au sens où son oeuvre « résonnait » et « raisonnait » avec les paradigmes scientifiques de son époque, ceux de la fin du vingtième siècle.
  • A cette époque, on parlait de formations minérales, formations vivantes, formations anatomo-physiologiques, formation de l'Univers, formations de particules, toujours transitoires.
  • Les approches scientifiques devenaient de plus en plus digitales, privilégiant les écarts et les pondérations.
  • Les biologistes raisonnaient par découpage, séquenciation / reséquenciation de matériel cellulaire, en perpétuelle formation.
  • Témoin de son époque, Micheline LO peignait des formations plus que des formes, les éléments perçus de ses toiles étaient plus digitaux qu'analogiques, disponibles pour d'incessantes reséquenciations (singulièrement depuis 1989).
     
     
     
    Autres textes explicatifs  
     
     
    Henri VAN LIER, philosophe et anthropogéniste, auteur de Les arts de l'espace, a consacré un texte (84 pages, 7 chapitres) à Micheline LO, peintre cosmogonique. Voir le texte (ici)


    Marc VAN LIER, responsable éditorial du site michelinelo.com propose un texte explicatif de "La notion de paysage cérébral" (9 pages) Voir le texte (ici)